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Donner un sens au mot aimer...

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Le sens du mot aimer avec un enfant présentant des enjeux d’attachement ou des Troubles de l’attachement

Lorsque nous nous rappelons les paroles de cette magnifique chanson de Yves Duteil, Prendre un enfant par la main, des images de tendresse et de bonheur apparaissent spontanément à notre esprit et nous sont réconfortantes.

Lorsque nous nous attardons sur notre vécu au quotidien en contexte d’enjeux d’attachement ou de Troubles de l’attachement des émotions et des sentiments parfois bien à l’antipode de la tendresse et du bonheur font surface à notre esprit.  Nous nous pouvons même nous sentir mal à l’aise et coupables de les ressentir ainsi. 

Comment alors donner du sens au mot aimer dans ce contexte relationnel si paradoxal?

Le contenu de ce document n’a pas la prétention de donner une réponse à cette délicate question.  Nous espérons qu’il pourra vous permettre d’alimenter vos propres réflexions.

D’abord quelques références théoriques et énoncées sur le thème de l’amour :

Que veut dire : Aimer un enfant ?

L’amour parental

Par Claude Halmos

Psychanalyste, spécialiste des questions de l’enfance

C’est éprouvé pour lui des sentiments de tendresse et d’affection.

C’est prendre du plaisir avec lui dans la communication, dans les projets menés ensemble.  C’est la construction permanente d’une vie à la fois gaie et enrichissante

Aucun enfant ne peut être heureux avec ses parents, s’il ne les sent pas heureux avec lui. Il vaut quelque chose d’essentiel pour eux. Il est d’une grande importance.

Savoir qu’il a des parents « à lui » lui ouvre la possibilité de se sentir «lui », un être particulier, différents des autres et fonde ainsi sa certitude d’avoir une identité propre.  Cela donne aussi un sentiment de sécurité.

L’enfant n’ayant jamais pu sentir qu’il était d’une grande importance pour ces parents et qu’il était source de leur joie et de leur bonheur, est condamné à traîner sa vie entière, comme un poids mort, « Ce rien qu’il s’imagine être ». Aimer un enfant, c’est lui apporter en permanence paroles, amour, aide et tendresse.

Pas pour le garder pour soi mais pour le rendre au contraire capable de vivre, chaque jour un peu plus, loin de soi, ailleurs. C’est faire en sorte de lui être au fil des jours et des années, de moins en moins indispensable.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes, l’aider à se détacher de soi afin qu’il puisse s’attacher de plus en plus à d’autres.  C‘est aussi lui ouvrir les portes du monde, renoncer à l’exclusivité de son affection.

Aimer un enfant au-delà des sentiments de tendresse et d’affection, c’est accomplir un travail ; celui de le faire grandir, de l’éduquer à la vie.

Aimer un enfant, c’est trouver une satisfaction profonde et vraie de deux choses : le don et la transmission.  Éprouver du bonheur à donner sans attendre en retour que le spectacle de l’épanouissement de son enfant et à transmettre pour le temps où nous sommes encore là mais pour celui aussi où nous ne sommes plus là et au-delà de la mort.

La fierté du bâtisseur qui ressent une joie réelle à l’idée qu’il puisse être la source du développement de son enfant.

Cet amour implique une pratique bien particulière

de détachement, de don et de transmission.

Il y aura détachement, s’il y a eu attachement…

J’aime…

De Yves St-Arnaud

Avant de pouvoir prononcer les mots « J’aime », chaque personne doit devenir capable de dire «je ». Il n’y a pas d’amour sans une personne qui aime, une personne consciente d’elle-même.

L’enfant qui naît, est incapable d’aimer, car il n’a pas encore la possibilité de dire « Je ». Le nouveau-né ne perçoit pas encore les frontières entre son corps et le monde extérieur. Il apprend progressivement que ceci fait partie de lui et que cela fait partie du monde extérieur : ainsi commence l’expérience du « je ».

Dans la mesure où l’homme trouve une réponse satisfaisante à ses besoins fondamentaux, il est confirmé dans l’existence. Il acquiert une certitude, la seule peut-être qu’aucun bouleversement ultérieur ne pourra ébranler, celle d’exister comme un être unique.

C’est grâce à l’affection reçue que l’enfant s’est senti confirmé dans l’existence.  En entendant son non prononcé avec chaleur et douceur par ceux qui l’aiment, il se fait une image positive de lui-même.  Il puise ensuite à même cette affection reçue le sentiment de sa valeur et une confiance de base à la vie.

Vivre l’affection, c’est aussi devenir vulnérable, c’est livrer son intérieur à l’autre…C’est donner à l’autre un certain pouvoir sur soi…si la confiance est trahie, on enregistre un échec ; on perçoit l’affection comme dangereuse.

Yves St-Arnaud énonce aussi : Une personne devient capable d’aimer si elle capable de plaisir et de désir, d’affection et de choisir.

Trois composantes de l’expérience d’aimer :

Je te désire, je suis bien avec toi et je te choisis

L’amour de A à Z

La science au service des parents de Margot Sunderland

Un amour constant vécu sereinement est associé à un profond bien-être.  L’être aimé nous sécurise et donne du sens à notre vie.  La relation est basée sur la confiance.

Au contraire, une histoire d’amour tourmentée conduit à un incessant besoin d’être rassuré et à un comportement possessif, qui risquent de détruire la relation ou de nous pousser à fuir.

Ces enfants tout au long de leur vie, peuvent être incapables de tendresse ou être effrayés par l’intimité et toujours trouver de bonnes raisons pour que ses histoires d’amour ne durent pas.  Ils peuvent être instables en devenant proches de quelqu’un très vite et s’en éloigner tout aussi rapidement.  Ils peuvent ressentir en regard de l’affection et de l’amour une source continuelle de douleur et d’angoisse.  Leur façon d’aimer peut-être si étouffante qu’ils font fuir tout le monde.  Leurs sentiments d’affection et d’amour peuvent être gâchés par des rapports de pouvoir et de contrôle, de soumission et de domination. 

L’amour, une question de neurochimie

Quand un enfant vit une relation affective sereine, son cerveau sécrète les substances chimiques suivantes : opioïde, l’ocytocine ou la prolactine ; les substances clés du lien affectif.  Cela crée un sentiment de bien-être et de bonheur intense.  Le cerveau est détendu.

 

Dans le cas contraire, lorsqu’un enfant ne sen sent pas aimé et sécurisé, qu’il a des doutes sur la constance de l’amour de ses parents, il devient vulnérable sur le plan psychologique. La crainte de perdre l’amour de ses parents peut être telle qu’elle peut réveiller ses instincts reptiliens de fuite et d’attaque.

Un manque d’attention parentale entraîne une baisse de l’activité du lobe frontal gauche de l’enfant ; partie liée à la sensation de bien-être et à la sociabilité. Cette partie ainsi moins active entraîne le risque d’une mauvaise image lui-même et des autres.  Craignant trop d’être rejeté, il peut hésiter à aller vers ses parents pour rechercher des câlins, ou vers les autres enfants pour engager une amitié.

« Ils peuvent ne jamais oser aimer ! »

Mme Patricia Crittenden cite ceci :

« Dans les cas sévères de troubles de l’attachement, les gestes sécurisants de tendresse et d’amour peuvent être reçus et perçus comme étant menaçants ». 

Des gestes dont il faut ignorer, fuir ou s’en défendre.

M. Paul Ranger, psychologue, dira ceci :

« Que ces enfants en souffrance agissent de manière à créer la répulsion et le rejet. »

Mme Michèle St-Antoine, psychologue, nous enseigne ceci :

L’adulte en relation avec cet enfant ne devrait pas viser à crée un lien d’attachement dans un premier temps. Il doit éviter de nourrir trop d’attentes affectives et émotives envers cet enfant.  Il doit être très délicat lorsqu’il s’approche et lui donne de l’affection. Elle suggère aussi l’approche empathique.

Mais que signifie au juste l’empathie ?

Voici quelques énoncés intéressants tirés de divers sites web :

Mais, qu’est-ce que l’empathie? Une définition est : « Habileté à percevoir, à identifier et à comprendre les sentiments ou émotions d'une autre personne tout en maintenant une distance affective par rapport à cette dernière ».

Face à une personne, c’est mettre du soin à l'entendre exprimer ce qu'elle ressent, pense, ou vit à la place où elle est.

La chaleur humaine c'est quand on est ouvert à l'autre sans avoir besoin de lui. L'affectivité c'est quand on a besoin de l'autre ou qu'on a peur de l'autre. Besoin de lui pour combler un de nos manques, pour nous rassurer. Peur de lui quand il risque d'aggraver un de nos manques et de nous déstabiliser.

En étant proche et distinct, nous sommes à même de comprendre l'expérience de notre interlocuteur, de nous enrichir de ce qu'il en a fait sans pour autant en subir la pression émotionnelle. Nous pouvons aussi mieux l'aider ou l'accompagner quand il vit une expérience douloureuse.

Nous devenons ainsi capables d'entendre cette expérience sans ne la dramatiser et ni la banaliser. Nous devenons capables d'en saisir la juste mesure: celle de l'autre (qui n'a forcément que peu à voir avec la nôtre). Nous pouvons ainsi humaniser profondément notre communication qui s'ajuste à la réalité de l'autre.

Thierry Tournebise, cite ceci:

L'effort d'empathie

On appelle empathie l'acte par lequel un sujet sort de lui-même pour comprendre quelqu'un d'autre sans éprouver pour autant les mêmes émotions que l'autre. C'est donc une sorte de sympathie froide, la capacité de se mettre à la place de l'autre tout en gardant son sang-froid et la possibilité d'être objectif.

Autres citations….sur l’amour

L'amour est un mouvement affectif spontané vers un être qui nous procure une satisfaction. Cet attrait émotif peut s'appliquer à une personne, un objet ou même une idée. On peut aimer intensément son enfant, un endroit pourvu qu'on y trouve des satisfactions spéciales.

On peut même éprouver de l'amour lorsqu'on a encore espoir d'une satisfaction et d’un potentiel de bonheur.

L'amour n'est pas une émotion en soi; c'est une expérience émotive complexe qui comprend plusieurs émotions. C'est peut-être même la plus complexe de toutes les expériences émotives. On y retrouve souvent, par exemple ; de la joie, de l'attrait ou du désir, de la tendresse, de l'estime, de l'attachement, etc. L'expérience de l'amour inclut aussi bien souvent de la colère ou du ressentiment ainsi qu'un sentiment de vulnérabilité.

Aimer c'est être là.  Aimer, c'est simple au fond et pourtant...

Aimer, c'est ne pas juger, ne pas condamner... et se dire : Si j'étais à sa place ? ...

Aimer, c'est aussi donner et guider sans attente

Aimer quelqu'un, c'est le laisser partir pour lui permettre de vivre les expériences qu'il a à vivre tout en sachant très bien et que peut-être nous ne ferons jamais parti de ces expériences.

En conclusion et à la suite des nombreux témoignages de parents d’enfants souffrant de troubles de l’attachement.

Pour le parent, « Aimer »

Un enfant présentant des enjeux d’attachement ou des Troubles de l’attachement, c’est :

Un laborieux cheminement personnel obligé pour le parent et pour le couple pour arriver à maintenir un équilibre psychique trop souvent ébranlé au quotidien par divers sentiments de doute, de honte, de culpabilité, d’ambivalence, de perte d’estime de soi, de grande lassitude, de colère, de frustration, d’étouffement, de vouloir tout abandonner, d’épuisement physique et psychologique, de tristesse, de regret, de peur et d’angoisse face à l’avenir.

Le deuil d’une relation d’amour légitimement idéalisée, la perte d’un amour qui semble impossible à vivre.

Une recherche constante de sens dans le paradoxe de cette relation où le parent se sent rejeté dans ce qu’il a à donner de plus précieux ; la sécurité, la confiance, l’affection, la tendresse, l’amour dans un rapport d’intimité et de réciprocité et à transmettre, ses valeurs, ses croyances et ses rêves.  Un sens appelé à être sans cesse « requestionné ».

Être un témoin au quotidien de la grande souffrance de cet enfant, impuissant à pouvoir le rejoindre et le réconforter dans la chaleur de ses bras où il espère que cet enfant ira se blottir et s’abandonner en toute confiance.  Une distance imposée, une frontière qu’il ne peut franchir tant elle est interdite à tout intrus.

C’est apprendre à jongler avec l’espoir et le désespoir sans perdre pied.

Cela veut dire aussi retenir un fil si peu attaché ou prêt à tous vents à se détacher.

C’est lui assurer sa constante et sa cohérence avec l’engagement de demeurer toujours là. Même s’il doit faire le choix de le vivre dans la distance et parfois d’accepter le silence dans l’espoir de protéger ce lien qu’à créer cette rencontre avec cet enfant.

C’est vivre cette relation avant tout de manière empathique avec un certain détachement émotionnel afin de demeurer en équilibre et en contrôle de soi

À cette question, aimez-vous cet enfant ?

Ne soyez pas surpris que nous prenions le temps d’y répondre

Thème d’un atelier de PETALES Québec, 2009

Rédigé par : Danielle Marchand

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